Le marathon de l’amour
Je m’appelle Amy Webb, et il y a de cela quelques années, j’ai vu une énième de mes relations intimes partir en fumée. Comme je ne voulais plus attendre le grand amour, je me suis tournée vers les sites de rencontre.
L’idée des sites de rencontre me plaît bien, car elle repose sur un algorithme…
Quand je me suis inscrite, j’ai juste fait un copié-collé de mon CV. Dans la partie descriptive, j’ai dit que j’étais une journaliste. Au moment où on m’a interrogée sur mes hobbies et mon partenaire idéal, j’ai dit « monétisation » et « japonais courant. » J’ai beaucoup parlé de JavaScript. Visiblement, ce n’était pas la meilleure façon de me rendre attractive.
Les rencontres que j’ai faites se sont avérées horribles et en particulier avec Steve, un informaticien. Il est parti en me laissant la note. À la suite de ce rendez-vous, je me suis mise à chasser lors de ces rencontres les choses vraiment stupides, gênantes, les remarques tendancieuses, le mauvais vocabulaire… J’ai rassemblé des chiffres qui m’ont permis de faire quelques corrélations. J’ai remarqué que pour des raisons inconnues les hommes qui boivent du whisky ont tendance à faire des allusions graveleuses au sexe.
J’ai décidé qu’au lieu d’attendre qu’un algorithme me trouve quelqu’un, je vais inverser le système. J’ai décidé de poser mes propres questions. Quelles étaient les petites choses auxquelles je pouvais penser, et que je cherchais chez un partenaire ? Donc j’ai commencé à écrire, écrire, et encore écrire, et à la fin, j’avais amassé 72 différentes données. Je voulais quelqu’un qui soit Juif, donc je cherchais quelqu’un qui ait la même origine et les mêmes points de vue sur nôtre culture, mais qui ne me forcerait pas à aller à la synagogue chaque vendredi et samedi. Je voulais quelqu’un de travailleur, car pour moi le travail est extrêmement important, mais pas trop travailleur quand même…
Je voulais aussi quelqu’un qui apprécierait s’aventurer, dans des endroits exotiques et qui pèserait toujours une dizaine de kilos de plus que moi, et ce quel que soit mon poids. Donc j’avais maintenant ces 72 données. J’ai alors créé un ordre de priorités dans ma liste. Je l’ai scindée et classée en deux niveaux, l’un incontournable, l’autre important. J’ai noté chaque point.
J’ai créé un système de notation pour vérifier que le prétendant me conviendrait. Il fallait un minimum de 700 points pour que j’accepte d’envoyer un mail à quelqu’un. Pour un total de 900 points, je pouvais aller à un rendez-vous. Pour envisager une relation, il fallait au minimum 1500 points. Cela fonctionna assez bien. J’ai trouvé Jewishdoc57. Il était séduisant. Il s’exprimait bien, avait gravi le Fuji et marché le long de la muraille de Chine. Il adorait voyager tant que ça n’impliquait pas de monter à bord d’un bateau.
Il n’y avait qu’un seul problème : il ne m’aimait pas. La variable que j’avais négligée était la compétition. J’ai donc été découvrir mes concurrentes. J’ai trouvé SmileyGirl1978 qui était très populaire. Mon objectif était de devenir aussi demandée qu’elle.
J’ai compris à ce moment-là que la taille de la présentation importait beaucoup. Les gens plus intelligents avaient tendance à beaucoup écrire. Ils se présentaient en 3000, 4000 voire 5000 mots. Les profils masculins et féminins les plus populaires ne comprenaient que 97 mots en moyenne.
L’autre marque de fabrique des personnes populaires est qu’ils utilisent un langage optimiste. Les mots les plus utilisés, par les femmes les plus populaires du site sont : « amusant », « fille » et « amour ». J’ai de ce fait compris que je devais simplifier mon propre profil.
Quelque temps après ça, j’ai trouvé Thevenin. Il ressemblait et s’exprimait exactement comme que je le voulais, et il a immédiatement marqué 850 points. C’était assez pour un rendez-vous. Trois semaines plus tard, nous nous sommes rencontrés. Quand il m’a raccompagnée chez moi, j’ai réévalué sa cote à 1050 points ! Un an et demi plus tard, alors que nous voyagions, pas en croisière, à Petra, en Jordanie, il s’est mis à genoux et m’a fait sa demande.
J’en conclu que l’algorithme de l’amour existe. Ce n’est pas celui qui est proposé par les sites, mais celui qu’on construit en y mettant ses propres ingrédients.